La violence dans les relations intimes est un problème de santé publique qui affecte particulièrement les jeunes âgé·e·s de 15 à 24 ans1. Une enquête québécoise s’intéressant aux parcours amoureux des jeunes rapporte qu’environ2:
Les adolescent·e·s et les jeunes adultes sont particulièrement à risque de subir ou de perpétrer de la violence dans un contexte intime ou relationnel3. Les jeunes sont en apprentissage et explorent les relations amoureuses et sexuelles4, ce qui peut les rendre plus susceptibles de tolérer des situations de violence intime faute de repères, et ainsi vivre des conséquences graves4,5. Les conséquences peuvent inclure :
- Des répercussions psychologiques : symptômes dépressifs et anxieux, troubles alimentaires, idées suicidaires, etc.
- Des répercussions physiques : grossesses non désirées, comportements sexuels à risque, etc.
- Des risques de développer des problèmes de consommation.
- Des risques de revivre des violences dans des relations intimes à l’âge adulte2, 5, 6.
Il est recommandé d’agir tôt, puisque la violence dans leurs relations intimes est particulièrement insidieuse. Toutefois, les stratégies d’interventions mises en place pour les jeunes, comme les ressources d’aide (intervenant·e·s formé·e·s, ressources communautaires en violence, centres d’appels, etc.) ne semblent pas toujours en mesure de les rejoindre7.
Qu’est-ce que la violence dans les relations intimes?
La violence dans les relations intimes réfère à tout geste ou comportement violent exercé par un·e partenaire intime actuel·le ou un·e ex-partenaire, sans égard au fait que les partenaires vivent ensemble ou non1. Elle se décline en plusieurs formes, soit :
- La violence psychologique, par exemple la manipulation, les insultes, etc.
- La violence physique, par exemple les bousculades, la destruction d’objets, les gifles, les coups, etc.
- La violence sexuelle, par exemple forcer des activités sexuelles, avoir une relation sexuelle avec son·sa partenaire intime alors qu’iel est endormi·e ou intoxiqué·e, etc.
- La violence numérique, par exemple la distribution de photos intimes, le harcèlement virtuel, etc.1.
Actuellement, les activités de sensibilisation et de prévention de la violence dans les relations intimes chez les adolescent·e·s abordent généralement la question en ciblant des facteurs individuels. Par exemple, certaines interventions ciblent les attitudes des jeunes face à la violence en contexte intime, leurs connaissances - signes de violence, comportements violents, types de violence, etc. - ainsi que les ressources disponibles8, 9. Ces interventions permettraient aux jeunes de reconnaître les manifestations de la violence dans leurs relations intimes, de développer des attitudes face à cette violence, ainsi que des habiletés pour réagir en situation de violence. Par exemple, l’éducation à la sexualité est un moyen privilégié pour intervenir sur les compétences individuelles des jeunes en favorisant ces apprentissages et en offrant les bases pour qu’iels puissent se sentir confiant·e·s, outillé·e·s et compétent·e·s s’iels sont confronté·e·s à de la violence en contexte de relation intime. Néanmoins, malgré les initiatives de prévention de la violence dans les relations intimes mises en place auprès des adolescent·e·s, la violence semble persister et continue d’affecter une proportion importante d’adultes. En effet, quatre femmes sur 10 et un peu plus de trois hommes sur 10 rapportent avoir vécu au moins une forme de violence au cours de leur vie1. L’ampleur de la situation porte à croire que l’intervention qui cible l’individu n’est peut-être pas la seule solution à privilégier pour enrayer la violence dans les relations intimes10.
Dans la société occidentale, la violence dans les relations intimes est ancrée dans nos comportements de tous les jours, dans les réactions que nous avons face aux personnes qui en sont victimes, dans les idées préconçues que nous nous faisons de la violence et de son expression en contexte de relation intime. Voici quelques exemples de non-reconnaissance des signes de violence dans les relations intimes qui circulent dans l’espace social :
Comportements individuels | Minimiser les signes de violence, être indifférent·e aux stéréotypes de genres, ne pas respecter les limites d’autrui, utiliser un langage agressif et violent, consommer des médias violents (jeux, films, séries), etc. |
Réactions à des dévoilements de violence | Blâmer les victimes plutôt que l’agresseur·e (par exemple, leur reprocher leur apparence ou leurs comportements, questionner les raisons d’avoir gardé le silence, reprocher de ne pas avoir fait plus d’efforts pour quitter ou dire « non », etc.), ne pas soutenir les victimes, banaliser les comportements de contrôle en justifiant la jalousie comme une preuve d’amour, etc. |
Mythes à l’égard de la violence | « La violence dans les relations intimes est surtout physique, il est facile de quitter une relation violente, seul·e·s les autres se retrouvent dans des relations violentes, la violence dans les relations intimes affecte seulement les couples, la violence entre partenaires ne se produit que dans les relations conflictuelles », etc. |
Adhésion à des normes socioculturelles | Les attentes liées aux rôles de genres (par exemple, « la femme s’occupe des soins et des tâches ménagères et l’homme est le pourvoyeur »), la pression à maintenir une image de couple parfait, percevoir la violence dans les relations intimes comme un sujet privé, la glorification de la passion amoureuse, etc. |
La non-reconnaissance et la banalisation de la violence dans les relations intimes sont ancrées dans nos normes culturelles et sociales9, 10, 11 et se manifestent, par exemple, dans les différents médias de divertissement. Il serait donc pertinent que nos interventions et nos efforts de prévention tentent de contrer la violence dans les relations intimes à la fois collectivement et de manière individuelle10, par exemple en mobilisant des témoins actif·ve·s.
Qu’est-ce qu’un·e témoin actif·ve?
Les témoins actif·ve·s sont des membres de la communauté qui, lorsque témoins d’une situation de violence ou de discrimination qui ne les impliquent pas, ni comme auteur·ice, ni comme victime, se mobilisent pour intervenir11, 12.
Afin de mieux comprendre le rôle d’un·e témoin actif·ve et de participer activement à la lutte aux violences dans les relations intimes, voici quelques exemples d’actions qui peuvent être mises de l’avant9, 13 :
- Reconnaître son rôle en tant qu’individu dans la lutte contre les violences dans les relations intimes, par exemple, en se questionnant sur ses propres conduites (langage utilisé, contenus visionnés et partagés, réactions lorsque confronté·e·s à des discours et des comportements qui minimisent ou tolèrent la violence en contexte intime, etc.), en évitant de banaliser l’expérience d’autrui, en prenant au sérieux ses préoccupations ou en ne comparant pas avec une situation « pire », etc.
- S’informer sur la violence dans les relations intimes, apprendre à la reconnaître. La lecture de cet article et en faire le partage à son entourage sont un excellent point de départ !
- Intervenir lorsque confronté·e à un comportement ou une situation de violence dans les relations intimes, par exemple en dénonçant l’événement violent, en demandant de l’aide, en offrant du soutien à la victime/à l’agresseur·e, etc.
- Encourager ses pairs à remettre en question les discours dominants et les stéréotypes de genre qui contribuent à la banalisation de la violence (voir les exemples ci-dessus et se préparer à répondre lorsqu’on entend des proches perpétrer des idées fausses à l’égard de la violence dans les relations intimes).
Oser intervenir
Bien qu’il puisse paraître intimidant ou inapproprié d’intervenir dans la vie d’une personne lorsqu’on est témoin de violence exercée en contexte de relations intimes, une telle action pourrait avoir un impact positif considérable pour toustes. En effet, tant dans l’arrêt de comportements ou des situations violentes pour les individus impliqué·e·s, cette intervention pourrait aussi contribuer à des changements collectifs et sociaux9. Par exemple, des témoins pourraient motiver un·e nouveau·elle témoin actif·ve à intervenir ou contribuer au changement des normes sociales banalisant la violence en amorçant une réflexion chez plusieurs.
La violence dans les relations intimes entraîne des conséquences graves sur chacun·e des victimes, mais aussi sur notre manière de concevoir les relations intimes comme société. Nous avons toustes un rôle à jouer dans la lutte contre les violences dans les relations intimes. Cessons de normaliser cette violence en la passant sous silence lorsque nous en sommes témoins et, par le fait même, offrons aux jeunes (et aux moins jeunes) des modèles de relations harmonieuses, égalitaires et épanouissantes !
La publication de cet article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article: Parmentier, E. et Fernet, M. (2024, 11 mars). Des témoins actif·ve·s allié·e·s contre les violences dans les relations intimes des jeunes. Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/des-temoins-actifves-alliees-contr…
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