Qu’est-ce que la sextorsion ?
Le terme « sextorsion » désigne le fait de menacer quelqu’un de partager ses photos ou ses vidéos sexuellement explicites en ligne, afin de l’obliger à accomplir certaines actions 1. Par exemple, la personne qui exerce des menaces peut chercher à obtenir, en retour, plus de photos ou de vidéos à caractère sexuel, des faveurs sexuelles ou encore de l’argent 1, 2, 3.
La sextorsion peut avoir plusieurs conséquences sur la vie des personnes victimes 4. Ces dernières peuvent notamment se sentir désespérées et anxieuses, développer une image négative d’elles-mêmes ou encore devenir méfiantes envers autrui 4. De plus, la sextorsion est un phénomène relativement répandu. En effet, l’organisme Cyberaide soutient que les cas de sextorsion auraient augmenté de 88% depuis la pandémie 5. Compte tenu de la gravité et de la prévalence de la sextorsion, il est impératif de mettre en place des mesures de prévention pour aider les jeunes à identifier ce type de violence.
Qu’est-ce qui rend les jeunes plus vulnérables à vivre de la sextorsion ?
Dans certains contextes de vie, des personnes peuvent être plus vulnérables et donc plus exposées aux risques d’exploitation, comme la sextorsion. L’identification de ces facteurs de vulnérabilité aide à comprendre les situations de sextorsion. Cela permet aussi de cibler des interventions pour réduire les risques de sextorsion.
Par exemple, les personnes en situation de précarité (pauvreté, problème de logement, difficulté à trouver un emploi, etc.) seraient davantage à risque. Les personnes faisant face à des enjeux psychologiques ou physiques, tels que des problèmes de consommation ou des troubles de l’humeur, comme la dépression, seraient également plus vulnérables 6. Certains enjeux liés à l’environnement social peuvent aussi avoir un impact sur la résilience des individus. Ces enjeux incluent notamment les conflits familiaux et relationnels, la négligence, les abus sexuels au sein de la famille ainsi que différents types de violences 6. Il est également crucial de saisir les rapports de pouvoir existants, comme le racisme ou le sexisme, qui exacerbent la vulnérabilité des filles, en particulier celles appartenant à des groupes minoritaires racisés.
En somme, il est nécessaire de s’intéresser au contexte de vie d’une personne victime de sextorsion, afin de prendre conscience des facteurs pouvant contribuer à sa vulnérabilité.
L’importance de ne pas responsabiliser les victimes
Il est important de comprendre en quoi la société responsabilise les filles victimes de sextorsion et de partage non consensuel de photos à caractère explicite. Au Québec, différentes campagnes de prévention et de sensibilisation menées par les autorités policières municipales misent sur la peur pour sensibiliser les jeunes. On y utilise un discours alarmiste, laissant entendre que les jeunes filles risquent de gâcher leur vie en envoyant ce type de contenu 7. Ces discours dépeignent cette expérience comme étant particulièrement humiliante. Ce type de discours, bien qu’il soit bien intentionné, repose sur des stéréotypes sexistes. Il contribue à perpétuer l’idée que la sexualité des filles est quelque chose dont il faut avoir honte, qu’une erreur ou un geste de confiance mal placé mérite d’être puni socialement. Ces discours sexistes et alarmistes risquent d’aggraver l'expérience des filles victimes en accentuant leur culpabilité et leur détresse au lieu de leur offrir l’espoir de rétablir leur dignité 7. Pourtant, la honte ne devrait jamais reposer sur les épaules des victimes, mais bien sur celles des personnes qui exercent la sextorsion. Il est temps de changer de perspective et d’offrir davantage de soutien aux victimes.
Messages clés : Plutôt que de moraliser, soutenons. |
Il serait donc beaucoup plus pertinent de mener des campagnes de sensibilisation qui mettent l’accent sur l’espoir et le soutien. Les victimes doivent savoir qu’elles ne sont pas seules, qu’il existe des ressources pour les accompagner, et qu’il est possible de se relever. Plutôt que de nourrir la peur et la honte, ces campagnes devraient miser sur l’empathie, la solidarité et l’accès à des solutions concrètes.
Par ailleurs, il est essentiel de sensibiliser les personnes qui exercent de la sextorsion ou qui partagent des contenus intimes sans consentement aux conséquences de leurs gestes. Cette sensibilisation passe par une compréhension des répercussions négatives sur la santé des victimes, mais aussi par une information claire sur les implications légales du partage non consensuel de contenu à caractère sexuel.
Que faire pour les victimes de sextorsion ?
L’envoi d’images intimes avant l’âge de 18 ans peut comporter des implications légales. Toutefois, il est essentiel de savoir qu’il est toujours possible et fortement recommandé de solliciter de l’aide. Aucune victime ne devrait avoir à affronter seule une situation de sextorsion.
Plusieurs organismes sont accessibles pour soutenir les personnes impliquées dans ce type de situation :
Tel-jeunes offre une plateforme de clavardage entre adolescent·es ou avec des intervenant·es. Une ligne téléphonique est également disponible pour parler à un·e intervenant·e en toute confidentialité. Pour les jeunes qui préfèrent poser des questions à leur rythme, un forum en ligne aborde des sujets liés à l’adolescence, à la sexualité et au bien-être afin de répondre aux questions les plus fréquentes.
AidezMoiSvp offre des informations juridiques claires et accessibles, tout en permettant de signaler des publications d’images intimes sans consentement afin qu’elles soient retirées des plateformes. Cette ressource permet également aux personnes utilisatrices de contacter des intervenant·es pour discuter des options disponibles, reprendre le contrôle sur la situation et être accompagnées à chaque étape. Des ressources supplémentaires, telles des services d’aide ou d’entraide aux victimes et ressources thérapeutiques, sont également accessibles via ce site web.
Messages clés : Offrir de l’aide, c’est aider une personne victime à reprendre le contrôle de sa vie. Vous pouvez faire une réelle différence. Écouter, soutenir et orienter : ce sont des gestes simples, mais essentiels, qui peuvent transformer une trajectoire. |
Pour citer cet article: Belzile, É., Doucet Pichette, L., Labbé, M., Lavenne, Z., et Fernet, M. (2025, 28 juillet). Sextorsion : Accompagner les victimes en soutenant la reprise de contrôle. Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/sextorsion-accompagner-les-victime…
Cet article de blogue a originalement été rédigé dans le cadre du cours Victimisation sexuelle et interpersonnelle enseigné par Chloé Desjardins à l’UQAM à l’automne 2024. La publication de article a aussi été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
- 1a1bHenry, N., Flynn, A. et Powell, A. (2018). Policing image-based sexual abuse: Stakeholder perspectives. Police Practice and Research: An International Journal, 19(6), 565–581. https://doi.org/10.1080/15614263.2018.1507892
- 2McGlynn, C., Rackley, E. et Houghton, R. (2017). Beyond ‘revenge porn’: The continuum of image-based sexual abuse. Feminist Legal Studies, 25, 25-46. https://doi.org/10.1007/s10691-017-9343-2
- 3Paat, Y.-F. et Markham, C. (2021). Digital crime, trauma, and abuse: Internet safety and cyber risks for adolescents and emerging adults in the 21st Century. Social Work in Mental Health, 19(1), 18‑40. https://doi.org/10.1080/15332985.2020.1845281
- 4a4bFletcher, R., Tzani, C. et Ioannou, M. (2024). Consequences of online sextortion on victims: Findings from open-access data and an online survey. Assessment and Development Matters, 16(2), 36–43. https://doi.org/10.53841/bpsadm.2024.16.2.36
- 5Slugosky, K. (2021, 9 mars). Child luring and sextortion cases online spikes since start of pandemic. Global News. https://globalnews.ca/news/7683360/covid-19-child-luringsextortion-online-cases/
- 6a6bTatu, Anne. (2022). Exploitation sexuelle des mineures au Québec : Tour d’horizon. Les acteurs en place et les mécanismes d’emprise et de déprise [Mémoire de maîtrise, Université d’Ottawa]. https://doi.org/10.20381/ruor-28553
- 7a7bMercier, É. (2021). Humiliation, responsabilisation et moralisation dans les discours sur le partage d’images intimes chez les jeunes. Revue Jeunes et Société, 3(1), 56–77. https://doi.org/10.7202/1075768ar