Maël* est une jeune personne non binaire bisexuelle de 23 ans qui en a vu de toutes les couleurs à l’adolescence : rejet de la part de ses parents, période d’itinérance, victimisation sexuelle, anxiété, toxicomanie… Iel a touché le fond du baril, mais a pu bénéficier de ressources l’aidant à remonter à la surface et à s’épanouir.
Le parcours de Maël n’est pas atypique : les personnes de la diversité sexuelle et de genre sont deux fois plus susceptibles d’être victimes de violences physiques ou sexuelles que les personnes hétérosexuelles et cisgenres 1 . Les jeunes de la diversité sexuelle et de genre de 15 à 24 ans sont particulièrement à risque de vivre de la violence, en particulier en milieu scolaire.
L’hétérosexisme et le cissexisme – ensembles d’attitudes et de comportements hostiles et discriminatoires envers les personnes non hétérosexuelles et les personnes trans ou non binaires 2 – entraînent un stress accru chez les jeunes de la diversité sexuelle et de genre 3 . Ce stress, appelé stress des minorités, engendre à son tour des répercussions négatives tant sur le plan physique, psychologique et social 4 ,5 ,6 ,7 , par exemple :
- Une faible estime de soi;
- Des symptômes de dépression ou d’anxiété ;
- Des pensées suicidaires ;
- Une faible persévérance scolaire ;
- De l’itinérance ;
- De la toxicomanie.
Dans le cas de Maël, c’est à la suite de son coming out qu’iel s’est fait rejeter par ses parents et qu’iel s’est retrouvé·e à la rue à l’âge de 15 ans. Sans soutien financier, Maël a vécu une période d’itinérance marquée par l’anxiété et des expériences de victimisation, dont une agression sexuelle. Après cette agression, iel a utilisé la drogue comme une bouée de sauvetage pour survivre à la souffrance, ce qui l’a fait sombrer davantage, en exacerbant son anxiété et sa précarité financière.
Dans cette histoire, on peut constater que le rejet de la part de ses parents a placé Maël dans une situation de vulnérabilité. Cette situation a entraîné de multiples problèmes, qui, à leur tour, ont engendré des répercussions négatives sur son développement psychologique et social.
Qu’est-ce qui permet d’atténuer le stress des minorités ?
Heureusement, le stress des minorités peut être atténué par des forces individuelles et par l’accès à des ressources sociales ou communautaires 8 . Ces forces et ces ressources favorisent la résilience des jeunes de la diversité sexuelle et de genre, c’est-à-dire qu’elles permettent une adaptation positive à la suite d’une expérience de victimisation :
Le soutien de la famille constitue un facteur déterminant dans l’adaptation psychologique des jeunes de la diversité sexuelle et de genre 9 . Une thérapie familiale peut aider les parents à accepter l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de leur enfant afin de lui offrir un soutien adéquat 10 .
Le soutien des ami·e·s est associé à une meilleure santé physique et mentale 11 .
L’aide thérapeutique par une approche affirmative est préconisée en intervention auprès des jeunes LGBTQIA2S+, pour favoriser leur bien-être 12 . Cette approche, qui est basée sur le respect de la diversité sexuelle et de genre, vise à soutenir les personnes dans leur exploration identitaire.
Une bonne estime de soi favorise le bien-être psychologique des jeunes de la diversité sexuelle et de genre 13 . Elle permet, entre autres, d’atténuer les symptômes de dépression 14 .
La participation à des activités sportives réduit le risque de toxicomanie et les impacts négatifs du stress des minorités sur la santé 11 .
L’intégration dans une communauté (spirituelle/religieuse ou culturelle, en ligne ou constituée de personnes de la diversité sexuelle et de genre) peut amener un sentiment d’appartenance permettant de faire face, en partie, aux expériences de rejet et de discrimination 9 .
Par exemple, dans le cas de Maël, c’est sa participation à un groupe de soutien pour les jeunes de la diversité sexuelle et de genre, organisé par Interligne, qui lui a permis de se sentir moins isolé·e. Ensuite, un accompagnement thérapeutique offert par un CLSC l’a aidé·e à diminuer sa consommation de drogue et à atténuer son anxiété. De plus, Maël est devenu·e bénévole pour Gris Montréal et participe à des marches de la fierté. Cet engagement social favorise son intégration dans la communauté LGBTQIA2S+ et rehausse son estime de soi. Enfin, il a trouvé un endroit sécuritaire pour son activité physique dans un gym inclusif, le Mouvement Infinity, dont la mission est d’offrir un espace pour les communautés marginalisées.
Rétablir son sentiment de sécurité, un pas à la fois, miser sur ses forces et sur plusieurs actions favorisant son intégration sociale, sont des éléments qui ont permis à Maël de se rétablir du rejet de sa famille.
Une responsabilité collective
La résilience peut se développer à partir de ressources accessibles à presque tout le monde. En ce sens, elle est une « magie ordinaire » et non un superpouvoir 15 . Ainsi, plutôt que de concevoir la résilience comme une licorne – rare et extraordinaire –, on devrait la comparer à un écureuil puisqu’elle se trouve partout 16 . En effet, plusieurs jeunes de la diversité sexuelle et de genre, comme Maël, arrivent à s’épanouir malgré un environnement hostile 17 .
Tout le monde – et en particulier les parents, les professeur·e·s, les professionnel·le·s de la santé et les thérapeutes – peut contribuer à favoriser la résilience des jeunes de la diversité sexuelle et de genre. Il est primordial de leur offrir du soutien et des ressources favorisant leur mieux-être. Rappelons également qu’il incombe à la société de lutter en amont contre l’hétérosexisme et le cissexisme et de protéger les jeunes LGBTQIA2S+ de la violence qu’iels sont susceptibles de vivre au quotidien. Par exemple, des actions devraient être entreprises pour que certains milieux (par exemple, l’école) soient plus ouverts par rapport à la diversité sexuelle et de genre.
* Le personnage de Maël dans cet article est inspiré d’une personne réelle, qui a accepté de partager son histoire pour qu’elle soit racontée dans le présent article. Le nom et l’âge de cette personne ont été modifiés.
La publication de cet article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
- 1Jaffray, B. (2020). Les expériences de victimisation avec violence et de comportements sexuels non désirés vécues par les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et d’une autre minorité sexuelle, et les personnes transgenres au Canada, 2018. Statistique Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2020001/article/00009-fra…
- 2Bastien Charlebois, J. (2011). Au-delà de la phobie de l’homo : quand le concept d’homophobie porte ombrage à la lutte contre l’hétérosexisme et l’hétéronormativité. Reflets, 17(1), 112-149. https://doi.org/10.7202/1005235ar
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- 4Cénat, J. M., Blais, M., Hébert, M., Lavoie, F. et Guerrier, M. (2015). Correlates of bullying in Quebec high school students: The vulnerability of sexual-minority youth. Journal of Affective Disorders, 183(1), 315-321. https://doi.org/10.1016/j.jad.2015.05.011
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- 7Goyette, M., et Flores-Aranda, J. (2015). Consommation de substances psychoactives et sexualité chez les jeunes : une vision globale de la sphère sexuelle. Drogues, santé et société, 14(1), 171-195. https://doi.org/10.7202/1035554ar
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