Avant toute chose, voici un glossaire 1 qui permettra de bien comprendre à quoi on réfère dans cet article :
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Même si la société québécoise accepte de plus en plus la diversité sexuelle et la pluralité des genres, les jeunes LGBTQ+ vivraient plus de difficultés sexuelles que les adolescent·e·s hétérosexuel·le·s et cisgenres. Pourtant, le développement de la sexualité et de l’identité sexuelle sont primordiaux à l’adolescence. En effet, l’exploration sexuelle permet aux adolescent·e·s d’en apprendre davantage sur leurs préférences sexuelles, de développer leur autonomie et leur estime en soi 2 . Cette exploration, lorsque positive et se déroulant dans la sécurité et la confiance, permet de cheminer vers un plus grand bien-être sexuel. Cette exploration positive favorise une satisfaction sexuelle, une capacité à maintenir un désir et une excitation sexuels, ainsi qu’une diminution de la détresse sexuelle et des risques de violence 3 .
Afin d’en apprendre davantage sur la sexualité des jeunes de tous horizons, notre équipe a mené l’étude Précurseurs des relations sexuelles et amoureuses des jeunes (PRESAJ). Au total, 3 000 adolescent·e·s québécois·e·s y ont participé depuis 2018. Les résultats suggèrent que les jeunes LGBTQ+ sont moins satisfait·e·s de leur sexualité et ont plus de difficultés sexuelles – érectiles, de lubrification ou liées à l’orgasme. Aussi, iels se sentiraient davantage inférieur·e·s ou inquiet·ète·s face à leur sexualité.
Comment la sexualité est-elle vécue chez les jeunes LGBTQ+ ?
L’exploration sexuelle peut comporter des défis pour les jeunes trans, non binaires ou non hétérosexuel·le·s. Les jeunes LGBTQ+ peuvent vivre de la stigmatisation et développer une image négative d’elleux-mêmes. Cette image négative fait référence à l’hétérosexisme et au cissexisme intériorisés. Cela implique que les jeunes LGBTQ+ peuvent en venir à détester la partie d’elleux qui n’est pas conforme aux normes de notre société (par exemple, être en couple hétérosexuel, être une personne cisgenre) 4 . L’éducation à la sexualité, souvent pensée pour les personnes hétérosexuelles et cisgenres, ne fournit pas toujours à ces jeunes l’information dont iels ont besoin pour explorer leur sexualité en confiance 5 . La littérature démontre d’ailleurs un écart, où le bien-être sexuel des jeunes LGBTQ+ est moindre comparativement à celui des jeunes hétérosexuel·le·s et cisgenres 2 .
Comment comprendre cet écart ?
La très grande majorité des jeunes est insécurisée face à son image corporelle, son attirance envers les autres et ses aptitudes sexuelles lors de l’exploration sexuelle. Cependant, les jeunes LGBTQ+ pourraient ressentir encore plus de détresse sexuelle. En effet, cette insécurité générale s’ajoute à tous les autres stresseurs vécus en lien avec leur statut de minorité (par exemple, la nécessité de faire un coming out, l’intimidation basée sur leurs différences). En effet, iels peuvent avoir vécu davantage d’expériences de rejet et d’incompréhension et ainsi, anticiper plus négativement leurs expériences sexuelles 6 .
Cette anticipation pourrait également les distraire durant les activités sexuelles, ce qui peut entraîner des difficultés à maintenir une excitation (érection/lubrification) ou à atteindre l’orgasme 7 . Qui plus est, l’insatisfaction et la détresse sexuelles pourraient être plus prononcées chez les jeunes LGBTQ+ s’il leur est nécessaire d’explorer en secret, de cacher leur orientation sexuelle ou leur identité de genre à leurs proches 8 afin d’éviter les commentaires blessants ou le rejet.
Dans certains cas, l’éducation à la sexualité en milieu scolaire est centrée sur les relations hétérosexuelles. Les messages présentant l’hétérosexualité ou la modalité de genre cis comme ce qui est normal et légitime peuvent nuire à l’épanouissement des jeunes LGBTQ+. À titre d’exemple, il peut arriver que l’on demande à une adolescente « quand elle se fera un petit chum » en tenant pour acquis qu’elle est attirée par les garçons. Cela fait que les jeunes LGBTQ+ ne se sentent pas représenté·e·s ou compris·e·s. Finalement, cela pourrait les amener à se tourner vers des sources d’informations ou de représentations de la sexualité moins réalistes pour s’informer, tels que les médias sociaux ou la pornographie. Dans certains cas, ceci pourrait contribuer à des insatisfactions sexuelles puisque leurs attentes ne seraient pas cohérentes avec la réalité.
Comment cheminer vers un bien-être sexuel plus inclusif ?
Il est primordial d’intervenir dès que possible pour favoriser le bien-être sexuel des adolescent·e·s LGBTQ+ :
- Sur les plans sociétal et scolaire, il importe de développer une éducation à la sexualité inclusive des jeunes LGBTQ+. Il est nécessaire d’engager des professionnel·le·s formé·e·s dans le domaine de la sexologie afin qu’iels soient au courant de la terminologie actuelle et sensibilisé·e·s aux enjeux des jeunes LGBTQ+. Ainsi, leur réalité pourra être incluse dans le cursus (par exemple, parler de méthodes de protection pouvant être utiles dans les relations entre personnes avec une vulve, telles que la digue dentaire).
- Sur le plan familial, il est possible pour les parents d’assister à des ateliers tels que le Projet Plur-iels, afin de mieux comprendre la diversité et d’ouvrir le dialogue avec leur enfant. Les parents peuvent notamment consulter cet ouvrage publié par le gouvernement, ou le site internet de Gender Creative Kids.
- Sur le plan individuel, plusieurs sites internet, lignes d’écoute, balados et livres offrent des informations de qualité (consultez la liste ci-bas). Les jeunes peuvent aussi contacter l’association étudiante LGBTQ+ de leur école ou consulter des organismes tels que le GRIS-Montréal.
Quel message retenir?
Le bien-être lié à la sexualité et à l’identité de genre des jeunes LGBTQ+ est fondamental à leur développement harmonieux. Alors que nos données récentes reflètent que les réalités sociosexuelles de ces jeunes sont moins optimales que celles de leurs pairs hétérosexuels et cisgenres, il est essentiel de mettre en place des actions concrètes pour les améliorer, dans une perspective d’inclusion et de sexualité positive.
*Il est à noter que les jeunes non binaires n’étaient pas assez nombreux·ses pour les inclure parmi ces analyses. Par conséquent, les résultats ne peuvent pas être généralisés à ces individus.
Ressources pour favoriser le bien-être sexuel pour les adolescent·e·s
Site internet: Le sexe et moi
Podcast: Parole d’ados
Podcast: Vide ton sac Ado
Ligne d’écoute et site internet: Tel-Jeunes
Ligne d’écoute et site internet: Jeunesse J’écoute
Ligne d’écoute et site internet: Tel-Aide
Consultation: Ordre des psychologues du Québec ou Ordre des sexologues du Québec
Ressources spécialisées pour la communauté LGBTQ+
Site internet: Interligne
Site internet: Aide aux Trans du Québec
Site internet et organisme: Projet10
Organisme communautaire: Jeunesse Lambda
Site internet et communauté: AlterHéros
La publication de article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article: Girouard, A., Dion, J., Blais, M., Paquette, M.-M., et Bergeron S. (2022, 25 avril).Vers un bien-être sexuel plus inclusif. Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/vers-un-bien-etre-sexuel-plus-incl…
- 1Dubuc, D., & FNEEQ-CSN. (2017). LGBTQI2SNBA+ : Les mots de la diversité liée au sexe, au genre et à l’orientation sexuelle.
- 2 a b Vrangalova, Z., & Savin-Williams, R. C. (2011). Adolescent sexuality and positive well-being: A group-norms approach. Journal of Youth and Adolescence, 40(8), 931–944.
- 3Girouard, A., Dion, J., B?the, B., O’Sullivan, L., & Bergeron, S. (2021). Bullying victimization and sexual wellbeing in sexually active heterosexual, cisgender and sexual/gender minority adolescents: The mediating role of emotion regulation. Journal of youth and adolescence, 50(11), 2136-2150.
- 4 Kurki-Kangas, L., Fröjd, S., Haravuori, H., Marttunen, M., & Kaltiala, R. (2019). Associations between involvement in bullying and emotional and behavioral symptoms: are there differences between heterosexual and sexual minority youth? Journal of School Violence, 19(3), 309–322.
- 5 Johns, M. M., Poteat, V. P., Horn, S. S., & Kosciw, J. (2019). Strengthening our schools to promote resilience and health among LGBTQ Youth: Emerging evidence and research priorities from the state of LGBTQ youth health and wellbeing symposium. LGBT Health, 6(4), 146–155.
- 6 Clear, S. J., Zimmer-Gembeck, M. J., Duffy, A. L., & Barber, B. L. (2020). Internalizing symptoms and loneliness: Direct effects of mindfulness and protection against the negative effects of peer victimization and exclusion. International Journal of Behavioral Development, 44(1), 51–61.
- 7Adam, F., Géonet, M., Day, J., & De Sutter, P. (2015). Mindfulness skills are associated with female orgasm? Sexual and Relationship Therapy, 30(2), 256–267.
- 8Ybarra, M. L., Rosario, M., Saewyc, E., & Goodenow, C. (2016). Sexual behaviors and partner characteristics by sexual identity among adolescent girls. Journal of Adolescent Health, 58(3), 310–316.