Depuis huit ans, Alix souffre de douleurs qui gênent ses relations sexuelles et se demande si sa douleur est « normale ». Iel a tenté d'en parler à un médecin lors d'un examen sans rendez-vous, qui l'a ensuite orienté vers un gynécologue. Depuis, Alix est sur une liste d'attente dans le système de santé publique. Embarrassé·e par la douleur qu'iel ressent et inquiet·ète de décevoir son partenaire, Alix n'a pas cherché à obtenir d’autres traitements.
Alix n’est pas seul·e à vivre avec ce type de difficulté. Les dysfonctions sexuelles sont des difficultés durables et invalidantes qui peuvent prendre la forme d’une baisse marquée du désir ou de l'excitation sexuelle, de difficultés érectiles, d'une éjaculation prématurée, de difficultés à atteindre l’orgasme ou encore, comme pour Alix, de douleurs durant les rapports sexuels1 . Dans la population générale, près d’une personne sur trois rapporte vivre avec une dysfonction sexuelle2 ,3 ,4 ,5 . Parmi ces personnes, moins d’une sur quatre cherchera à obtenir de l'aide5 .
Pourquoi si peu cherchent de l’aide ? Il est difficile de répondre à cette question, car nous disposons d'une connaissance limitée des obstacles auxquels sont confrontées les personnes vivant avec une dysfonction sexuelle. Pourtant, ces difficultés peuvent affecter négativement la qualité de vie en ayant une incidence sur la santé mentale et les relations intimes6 ,7 ,8 . Selon une récente étude réalisée par professeur David Lafortune et ses collègues au département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal5 , les personnes qui demandent de l’aide pour leurs dysfonctions sexuelles semblent au bout du rouleau : elles rapportent un plus grand nombre de dysfonctions sexuelles différentes, moins de satisfaction sexuelle et relationnelle, ainsi qu’une plus grande détresse psychologique que les personnes qui vivent avec une dysfonction sexuelle mais n’ont pas (encore) cherché à obtenir de l’aide5 .
Le tabou entourant les dysfonctions sexuelles : un enjeu de santé
La recherche d’aide peut être complexe. Dans le cas d’Alix comme pour d’autres, la gêne et les tabous entourant la sexualité peuvent entraver ou ralentir le processus de recherche d’aide. D’autres personnes peuvent penser que leur dysfonction sexuelle est causée par leur âge5 ou d’autres aspects de leur personne, donc qu’elle est inévitable. Enfin, certains individus ont la perception qu’il n’existe aucune solution ou traitement pour leur difficulté, ou ne savent tout simplement pas vers qui se tourner5 .
Au-delà des défis personnels, les professionnel·le·s de la santé sont parfois un obstacle à la recherche d’aide. Une étude9 indique que seulement un·e patient·e en gynécologie sur trois est interrogé·e sur sa fonction sexuelle, alors que la majorité des patient·e·s rapporte qu’iels aimeraient qu'on leur en parle9 . Si les professionnel·le·s ne soulèvent pas elleux-mêmes ces questionnements durant les consultations, les patient·e·s peuvent se sentir inconfortables d’aborder le sujet en premier.
La recherche d’aide pour les dysfonctions sexuelles
Une fois qu’une personne comme Alix décide de rechercher de l’aide pour sa dysfonction sexuelle, il peut être difficile de savoir par où commencer, qui consulter et comment trouver un·e professionnel·le adéquat·e pour soi. Dans l’étude de Dr Lafortune5 , seule une personne sur quatre vivant avec une dysfonction sexuelle recherche des services. De ce nombre, la majorité (60%) a indiqué avoir rencontré des obstacles dans sa recherche d'un traitement, et deux personnes sur cinq n’ont pas pu obtenir de services5 . Ces chiffres illustrent à quel point le chemin à parcourir pour trouver de l'aide n'est pas simple pour les personnes souffrant de dysfonctions sexuelles au Québec. De plus, plusieurs barrières dans l’accès aux traitements compliquent davantage la problématique.
Parmi les obstacles les plus fréquents auxquels elles sont confrontées, les personnes souffrant de dysfonctions sexuelles citent5 :
- Le coût élevé des traitements (26%);
- Les délais trop longs pour obtenir un rendez-vous (25%);
- Le manque d'informations sur les services existants (16%).
Lorsque les participant·e·s obtenaient des services, les professionnel·le·s les plus consulté·e·s au Québec étaient les sexologues (36%), suivi·e·s des médecins (19% généralistes et 10% spécialistes) et des psychologues (12%)5 .
Quelques pistes pour rechercher de l’aide
Lorsque l’on vit avec une dysfonction sexuelle, il peut être difficile de trouver des ressources. Toutefois, il existe des soins et des professionnel·le·s de la santé qui peuvent vous aider ! Avant de commencer votre recherche, il importe de choisir le·a bon·ne professionnel.le pour vous. Commencez par déterminer vos besoins, vos attentes et vos objectifs. Par exemple, vous pouvez réfléchir à l'impact de votre dysfonction sexuelle sur votre vie, à ce que vous espérez obtenir grâce au traitement, aux inquiétudes que vous pourriez avoir à propos de la recherche d'un traitement, et considérer les facteurs liés à votre mode de vie qui peuvent contribuer à votre dysfonction sexuelle. Si vous avez accès à un·e médecin, vous pouvez lui partager vos questionnements sur vos difficultés sexuelles. Le·a médecin pourra explorer si votre dysfonction sexuelle est causée (en partie ou totalement) par une condition médicale, puis vous orienter vers des traitements ou des évaluations spécialisés au besoin (p. ex., sexologue, psychologue, gynécologue, physiothérapeute)2 .
L’expérience d’une dysfonction sexuelle peut aussi vous amener à consulter en physiothérapie ou en psychologie. Vivre avec une dysfonction sexuelle est un problème fréquent auquel de nombreuses personnes font face à un moment de leur vie, il est donc important de vous rappeler que vous n'êtes pas seul·e dans cette situation. En demandant de l'aide et du soutien, vous pouvez faire le premier pas vers la reconquête de votre bien-être sexuel et vers une vie plus épanouie. N’attendez pas avant de chercher de l’aide, il y a des solutions !
*Cet article de blogue reprend les constats principaux de l’étude suivante :
Lafortune, D., Girard, M., Dussault, É., Philibert, M., Hébert, M., Boislard, M.-A., Goyette, M., et Godbout, N. (2023). Who seeks sex therapy? Sexual dysfunction prevalence and correlates, and help-seeking among clinical and community samples. PLOS One, 18(3), e0282618. doi: 10.1371/journal.pone.0282618
Pour aller plus loin :
- Le site de l'Ordre Professionnel des Sexologues du Québec offre un moteur de recherche vous permettant de trouver des sexologues proches de chez vous, selon vos motifs de consultation. Les sexologues sont des professionnel·le·s spécialisé·e·s dans la compréhension du fonctionnement et des comportements sexuels, ainsi que dans l'amélioration et le maintien de la santé sexuelle.
- Le site de l’Ordre des psychologues du Québec vous permettra de trouver des psychologues spécialisé·e·s dans le traitement des dysfonctions sexuelles.
- Le site de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec répertorie les professionnel·le·s en physiothérapie, incluant la physiothérapie périnéale, spécialisé·e·s dans le traitement des dysfonctions sexuelles.
La publication de article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article, Willard Martel, N., Lafortune, D., Girard, M., Dussault, É., et Godbout, N. (2023/05/29). Recevoir de l'aide pour une dysfonction sexuelle au Québec : Un parcours semé d'embûches. Blogue TRACE.
- 1Wincze, J. P., Weisberg, R. B., & Weisberg, R. B. (2015). Sexual dysfunction : A guide for assessment and treatment (3rd edition). Guilford Press
- 2 a b Lewis, R. W., Fugl-Meyer, K. S., Corona, G., Hayes, R. D., Laumann, E. O., Moreira, E. D., Rellini, A. H., & Segraves, T. (2010). Definitions/epidemiology/risk factors for sexual dysfunction. The Journal of Sexual Medicine, 7, 1598–607.
- 3Lee, D. M., Nazroo, J., O’Connor, D. B., Blake, M., & Pendleton, N. (2016). Sexual health and well-being among older men and women in England: Findings from the English longitudinal study of ageing. Archives of Sexual Behavior, 45(1), 133–144.
- 4Hendrickx L, Gijs L, & Enzlin P. (2015) Age-related prevalence rates of sexual difficulties, sexual dysfunctions, and sexual distress in heterosexual women: Results from an online survey in Flanders. Journal of Sex Medecine, 12(2):424–35. pmid:25345486
- 5 a b c d e f g h i j Lafortune, D., Girard, M., Dussault, É., Philibert, M., Hébert, M., Boislard, M.-A., Goyette, M., & Godbout, N. (2023). Who seeks sex therapy? Sexual dysfunction prevalence and correlates, and help-seeking among clinical and community samples. PLOS One, 18(3), e0282618.
- 6Flynn, K. E., Lin, L., Bruner, D. W., Cyranowski, J. M., Hahn, E. A., Jeffery, D. D., Reese, J. B., Reeve, B. B., Shelby, R. A., & Weinfurt, K. P. (2016). Sexual satisfaction and the importance of sexual health to quality of life throughout the life course of U.S. adults. The Journal of Sexual Medicine, 13(11), 1642–1650. https://doi.org/10.1016/j.jsxm.2016.08.011
- 7Nappi, R. E., Cucinella, L., Martella, S., Rossi, M., Tiranini, L., & Martini, E. (2016). Female sexual dysfunction (FSD): Prevalence and impact on quality of life (QOL). Maturitas, 94, 87–91. https://doi.org/10.1016/j.maturitas.2016.09.013
- 8Christensen B.S., Grønbæk, M., Osler, M., Pedersen, B. V., Graugaard, C., & Frisch, M. (2011). Associations between physical and mental health problems and sexual dysfunctions in sexually active danes. The Journal of Sexual Medicine, 8(7), 1890–1902. https://doi.org/10.1111/j.1743-6109.2010.02145.x
- 9 a b Briedite, I., Ancane, G., Ancans, A., & Erts, R. (2013). Insufficient assessment of sexual dysfunction: A problem in gynecological practice. Medicina, 49(7), 315–320.