Une nuit, tu es étendu·e dans ton lit, perdu·e dans un fantasme sexuel impliquant ta célébrité favorite et toi. Tu te retournes et vois taon partenaire dormant à tes côtés. Tu te sens coupable et te demandes : « Est-ce que je suis infidèle ? Oh non, est-ce que ça veut dire que ma relation est en péril ? ».
Ne t’inquiète pas ! Avoir des fantasmes qui impliquent une autre personne que taon partenaire actuel·le est parfaitement normal ; plus de la moitié des personnes en relation monogame rapportent de tels fantasmes1 . Dans cet article, nous nous pencherons sur les fantasmes sexuels afin d’apprendre en quoi ils consistent, en quoi ils ne sont pas des « mauvaises pensées » en soi, et comment ils peuvent être une partie positive de ta sexualité.
Taon ami·e Alex arrive au restaurant l’air nerveux·se, te disant qu’il y a quelque chose dont iel aimerait parler avec toi. Iel débute son récit en te disant qu’iel a toujours été loyal·e, qu’iel aime réellement saon partenaire et qu’iel a une vie sexuelle épanouie avec ellui. Cependant, dernièrement un·e collègue attirant·e a commencé à travailler avec ellui, et Alex se retrouve à imaginer toutes sortes de scénarios sexuels avec ellui. Iel ne peut s’empêcher de croire qu’iel fait quelque chose de mal. Étant dans une relation monogame, iel ne veut pas tromper saon partenaire. Iel se demande : « Est-ce que ces pensées sont mauvaises ? Est-ce que ça veut dire que je ne suis plus attiré·e par maon partenaire ? Est-ce que je devrais tout dire à maon partenaire ? ».
Il est très fréquent pour les personnes en relation amoureuse exclusive de se demander si le fait d’avoir des fantasmes qui impliquent une autre personne que saon partenaire est considéré comme de l’infidélité. Afin de répondre à cette question, commençons par le début : qu’est-ce qu’un fantasme sexuel ? Simplement dit, les fantasmes sexuels sont toutes pensées qui t’excitent sexuellement. Ils sont représentés par des images ou des scénarios plus ou moins détaillés1 . Les fantasmes sexuels sont très communs. D’ailleurs, 9 personnes sur 10 rapportent avoir des fantasmes sexuels régulièrement1 . Les fantasmes sexuels sont sans limite. Ils peuvent représenter n’importe quoi allant d’événements réels, tels que de passer un moment romantique avec un·e partenaire, à des scénarios créés de toutes pièces, comme se faire kidnapper par des extraterrestres sexy1 ,2 .
À présent, tu pourrais te demander : « Assurément que certains fantasmes sexuels sont normaux, tandis que d’autres sont étranges ou mauvais ». Eh bien, plus ou moins ! Les chercheur·euse·s ont longtemps eu de la difficulté à différencier les fantasmes sexuels qui sont « normaux » de ceux qui ne le sont pas3 ,4 . Effectivement, dans les dernières années, les chercheur·euse·s ont réalisé que les fantasmes ne peuvent pas être jugés comme étant bons ou mauvais en se fiant uniquement sur ce qui s’y passe ou sur les personnes qu’ils impliquent3 . Même les fantasmes sexuels qui semblent violents ne sont pas nécessairement considérés comme problématiques*. En fait, 7 personnes sur 10 rapportent des fantasmes incluant de la violence physique et/ou sexuelle, mais lorsqu’on leur demande si ellles aimeraient expérimenter ceux-ci dans la vraie vie, la plupart répondront un « non » définitif4 .
Alors, à quel moment les fantasmes sexuels sont-ils considérés comme mauvais ? La clé est la distinction entre l’imaginaire et la réalité. L’imaginaire est un jardin secret dans lequel les personnes peuvent explorer en toute sécurité n’importe quel scénario désiré. Alors que certaines personnes choisiront de recréer certains fantasmes sexuels dans la vraie vie, la plupart les garderont précieusement dans leur jardin secret. En ce sens, les fantasmes sexuels ne prédisent pas les comportements sexuels5 .
Il y a un problème lorsque la frontière entre l’imaginaire et la réalité est floue. Les fantasmes tendent à causer de la détresse lorsqu’ils sont fréquents, envahissants, rigides et limités (par exemple, une personne ne peut s’empêcher de penser au même fantasme, et c’est toujours le même scénario). La répétition obsessive peut aussi pousser une personne à s’engager dans des comportements qui pourraient être nuisibles pour elle ou les autres. Bref, avoir n’importe quel fantasme, même violent, n’est pas un problème en soi. C’est plutôt l’obsession avec un fantasme qui peut devenir un problème pouvant limiter l’épanouissement sexuel d’une personne.
Si tes fantasmes sexuels te causent de la détresse, n'hésite surtout pas à aller chercher de l’aide professionnelle. Tout sentiment désagréable comme de la culpabilité ou du jugement peut impacter négativement ta relation avec tes fantasmes sexuels et ta sexualité.
Si on revient au cas d’Alex, tu peux la·le rassurer. Tant que ses fantasmes sexuels restent dans sa tête (et dans son pantalon), il n’y a aucune raison de se sentir mal face à ceux-ci. À présent, devrait-iel en parler à saon partenaire ? La réponse est : non s’iel ne veut pas ; partager son fantasme sexuel relève d’une décision personnelle et non d’une obligation. Si le but est de recréer le fantasme, iel pourrait décider de le partager.
Maintenant, tu pourrais croire que penser à une autre personne veut dire qu’il y a un problème dans la relation et qu’Alex doit être malheureux·se. Contrairement à ce qui était initialement cru par les chercheur·euse·e dans le domaine, les fantasmes sexuels ne sont pas le résultat de relations insatisfaisantes. À l’origine, ils proviennent de toutes sortes de sources, que ce soient des personnes dans les médias, dans la réalité, ou même, d’une paire de talons hauts sexy6 . En tant qu’être sexués, les humains peuvent être excités par toutes sortes de choses, peu importe leur statut relationnel ou leur niveau de satisfaction sexuelle. En somme, les fantasmes sexuels sont plus qu’acceptables, même dans un contexte de relation monogame stable.
Il a été démontré que les fantasmes sexuels peuvent être bénéfiques au sein des relations intimes, puisqu’ils favorisent l’excitation sexuelle, ce qui peut être réinvesti dans les activités sexuelles avec partenaire7 . Les fantasmes sexuels sont aussi une excellente manière d’explorer sa sexualité en toute sécurité, ce qui peut mener à des découvertes sur soi1 . Les fantasmes sont aussi fluides et changeront au cours de la vie1 . Si Alex est encore préoccupé·e par son fantasme actuel, iel peut se rappeler que son béguin sur saon collègue risque de disparaître, alors qu’iel passera à d’autres scénarios sexuels excitants.
Nous espérons que cet article de blogue t’a offert une belle introduction aux fantasmes sexuels. Le fait de fantasmer sur d’autres personnes ne signifie pas qu’une relation intime est en péril ; ce qui compte, ce sont les actions. Les fantasmes sexuels sont un jardin secret ainsi qu’une partie plaisante et merveilleuse de la sexualité pouvant être explorés à cœur joie. Libère ton imaginaire de toute culpabilité et vois ce que tu y trouves !
* Une exception est faite en ce qui concerne les fantasmes sexuels incluant des enfants (pédophilie) et des animaux (zoophilie). Ils sont rapportés par moins de 2 personnes sur 10, et sont considérés problématiques parce qu’ils impliquent systématiquement une absence de consentement.
La publication de article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article: Canivet, C., et Bolduc, R. (2022, 14 mars). Pensées torrides et nuits sans sommeil : Suis-je infidèle? Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/pensees-torrides-et-nuits-sans-som…
- 1 a b c d e f Lehmiller, J. J. (2018). Tell me what you want: The science of sexual desire and how it can help you improve your sex life. Da Capo Press.
- 2Kahr, B. (2009). Who's been sleeping in your head: The secret world of sexual fantasies. Basic Books (AZ).
- 3 a b Joyal, C. C., Cossette, A., & Lapierre, V. (2015). What exactly is an unusual sexual fantasy? The Journal of Sexual Medicine, 12(2), 328-340. https://doi.org/10.1111/jsm.12734
- 4 a b Canivet, C., Bolduc, R., & Godbout, N. (2021). Exploring Variations in Individuals’ Relationships to Sexual Fantasies: A Latent Class Analysis. Archives of Sexual Behavior, 1-12.
- 5Gee, D. G., Devilly, G. J., & Ward, T. (2004). The content of sexual fantasies for sexual offenders. Sexual Abuse: A Journal of Research and Treatment, 16(4), 315-331.
- 6Strachey, S. (1962). Creative writers and day-dreaming. Dans The standard edition of the complete psychological works of sigmund freud, volume IX (1906-1908) : Jensen's ‘Gradiva’and other works (pp. 141-154).
- 7Davidson Sr, J. K., & Hoffman, L. E. (1986). Sexual fantasies and sexual satisfaction: An empirical analysis of erotic thought. Journal of Sex Research, 22(2), 184-205.