Sam a hâte qu’Alex revienne de son voyage de travail pour avoir un moment intime à deux. En arrivant à la maison, Sam constate tout de suite qu’Alex a l’air épuisé·e et répond peu à son affection. De son côté, sentant une boule de stress dans son estomac, Alex perçoit bien les tentatives de Sam, mais ne sait pas trop comment dire « non » par crainte de le·la blesser. Alex prend un risque et exprime sa fatigue à Sam, tout en le·la rassurant de son amour. Alex et Sam décident finalement de regarder un film en se collant.
Tel que présenté dans cet exemple, dans une relation de couple, il est tout à fait normal de vivre des moments où l’on n’a pas envie de s'engager dans des activités sexuelles lorsque notre partenaire tente un rapprochement. Il est en fait bien rare que les niveaux de désir sexuel des deux partenaires soient en tout temps similaires1 . Par exemple, le niveau d’énergie, la satisfaction envers la relation, certains enjeux de santé mentale, le stress quotidien, d’autres aspects biologiques, physiques ou hormonaux et plus encore sont tous des facteurs qui peuvent influencer et expliquer les variations dans les niveaux de désir sexuel1 .
Ainsi, tous les couples font face à des situations où un·e des partenaires refuse des activités sexuelles avec l’autre, une situation pouvant être difficile à vivre pour chacun et qui est susceptible de mener à des conversations émotionnellement chargées2 . Le refus sexuel c’est l’expression, claire ou plus subtile, d’un désintérêt à s’engager dans une activité sexuelle3 . Il peut s’exprimer de plusieurs façons (voir l’encadré ci-dessous). Bien que le refus sexuel tende à décevoir le·la partenaire, certaines façons de l’exprimer peuvent tout de même mener à plus de bien-être individuel et relationnel3 ,4 .
Types de refus sexuel | Exemples de comportements | Exemples de paroles |
Refuser en rassurant sur l’attirance et/ou l’amour envers le·la partenaire |
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« Je t’aime et j’aime être avec toi, mais je n’ai pas envie d’aller plus loin aujourd’hui. J’aimerais quand même qu’on se colle, et on pourrait essayer une prochaine fois. » |
Refuser avec colère ou en critiquant |
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« Tu penses vraiment qu’après la grosse journée que j’ai eue j’en ai envie ? Ça m’énerve, tu crois qu’on peut tout résoudre par le sexe. » |
Refuser en s’affirmant sans nécessairement prendre en considération le·la partenaire |
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« Non, je ne veux pas faire l’amour ce soir. Je suis fatigué·e et je veux me reposer seul·e. » |
Refuser en détournant le·la partenaire |
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Lorsque l’autre tente un baiser ou un rapprochement à connotation sexuelle : « As-tu vu ce nouveau film dont tout le monde parle ? » |
Des études ont démontré que la stratégie la plus optimale pour un couple est de refuser les avances sexuelles en rassurant sur l’attirance et/ou l’amour envers le·la partenaire3 ,5 . Si l’on reprend l’exemple présenté plus haut, Alex pourrait exprimer ceci à Sam : « mon amour, je suis vraiment content·e de te revoir, mais je suis très fatigué·e ce soir et je préfère ne pas avoir de sexualité. Je veux quand même que tu saches que je t’aime fort (le·la serre dans ses bras) ». Cette stratégie faciliterait l’intimité, en plus de favoriser la satisfaction conjugale et sexuelle de la personne qui reçoit le refus sexuel, car il·elle se sentirait plus écouté·e. Ainsi, Sam pourrait réagir au refus sexuel de cette façon : « je vais être honnête, ça me déçoit puisque je me suis pas mal ennuyé·e et j’avais hâte de te voir, mais je comprends si ça ne te tente pas ce soir. Merci de me rassurer, je t’aime moi aussi. Est-ce qu’on peut tout de même se coller ? ». Au contraire, les trois autres types de refus sexuel tendraient plutôt à nuire à la satisfaction conjugale ou sexuelle du·de la partenaire, s ce qui serait perçu comme blessant et ferait en sorte que le·la partenaire se sentirait moins écouté·e3 ,4 .
Or, il n’est pas toujours évident d’exprimer un refus sexuel, par exemple si l’on craint une réaction négative de la part de l’autre (p. ex., tristesse, ne pas se sentir désiré·e), ou une conséquence négative sur la relation (p. ex., diminution de la satisfaction relationnelle ou sexuelle, conflit, infidélité)6 ,7 . Une étude a révélé que les personnes ayant un plus grand évitement de l’intimité (c.-à-d., ceux qui possèdent un fort besoin d’indépendance et une difficulté à se démontrer vulnérable et intime avec leur partenaire) auraient tendance à utiliser davantage de colère, de critique ou de détournement pour refuser des contacts sexuels. Au contraire, les personnes qui présentent une plus grande capacité à s’affirmer sexuellement et celles qui rapportent une plus grande motivation à répondre aux besoins sexuels de leur partenaire utiliseraient moins ces stratégies3 . Dans certains cas, le refus sexuel peut être difficile à formuler lorsque le·la partenaire y a précédemment réagi avec colère, en culpabilisant, en boudant ou en insistant davantage, ce qui représentent des formes de coercition sexuelle subtile5 .
Certaines situations dans lesquelles les partenaires amoureux·euses négocient le moment, la nature ou la fréquence de leurs activités sexuelles peuvent aussi être plus complexes. En effet, certains·es vont parfois s’engager à une activité sexuelle avec leur partenaire, même s’ils·elles ne désirent pas de sexualité. Ce phénomène s’appelle la conformité sexuelle, et se distingue de la coercition sexuelle par le fait que la personne fait le choix libre et délibéré de s'engager dans une activité sexuelle sans qu'il n'y ait la présence de comportements coercitifs (p. ex., tenter de persuader, manipuler ou contraindre l'autre)8 ,9 . En général, la conformité sexuelle serait associée à une plus grande satisfaction sexuelle et relationnelle5 . Toutefois, certaines études ont aussi mis en lumière qu’elle serait associée à plus de déception9 et à moins de plaisir10 durant les activités sexuelles.
Bien que les études sur le sujet soient encore peu nombreuses, il est clair que la façon dont la négociation du refus sexuel se déroule dans un couple est déterminante pour le bien-être des partenaires. Ainsi, il est important de prendre un temps d’arrêt pour se questionner par rapport aux formes et aux contextes de refus sexuel dans son couple : les signaux de désir sexuel chez soi et son·sa partenaire, sa capacité à exprimer un refus sexuel, la manière dont on s’y prend et la façon dont on réagit à un refus sexuel exprimé par l’autre. Ceci peut aussi faire l’objet d’une conversation avec son·sa partenaire, pour prendre le temps de parler ouvertement et avec bienveillance de son expérience unique vis-à-vis du refus sexuel, ou encore sur ses besoins, désirs et limites au niveau de sa sexualité.
Le laboratoire Spark, dirigé par Dre Dugal, est à la recherche de participants·es pour une étude concernant la négociation de la sexualité au sein du couple. Cliquez ici pour participer.
Ressources.
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Si vous avez des questionnements ou préoccupations, référez-vous auprès d’un·e sexologue ou psychologue.
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Idées de lectures pour mieux comprendre son désir sexuel :
La publication de cet article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article : Vallée, A. et Dugal, C. (2024, 21 octobre). Pas ce soir mon amour, j’ai mal à la tête ! Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/pas-ce-soir-mon-amour-jai-mal-la-t…
- 1 a b Arenella, K., Girard, A., et Connor, J. (2024). Desire discrepancy in long-term relationships: A qualitative study with diverse couples. Family process, 1-16. https://doi.org/10.1111/famp.12967
- 2Rehman, U. S., Lizdek, I., Fallis, E. E., Sutherland, S., et Goodnight, J. A. (2017). How is sexual communication different from nonsexual communication? A moment-by-moment analysis of discussions between romantic partners. Archives of Sexual Behavior, 46, 2339-2352. https://doi.org/10.1007/s10508-017-1006-5
- 3 a b c d e Kim, J. J., Muise, A., Sakaluk, J. K., Rosen, N. O., et Impett, E. A. (2020). When tonight is not the night: Sexual rejection behaviors and satisfaction in romantic relationships. Personality and Social Psychology Bulletin, 46(10), 1476-1490. https://doi.org/10.1177/0146167220907469
- 4 a b Kim, J., Muise, A., et Impett, E. A. (2018). The relationship implications of rejecting a partner for sex kindly versus having sex reluctantly. Journal of Social and Personal Relationships, 35(4), 485-508. https://doi.org/10.1177/0265407517743084
- 5 a b c Struckman‐Johnson, C., Struckman‐Johnson, D., et Anderson, P. B. (2003). Tactics of sexual coercion: When men and women won’t take no for an answer. The Journal of Sex Research, 40(1), 76-86. https://doi.org/10.1080/00224490309552168
- 6Dobson, K., Kim, J., et Impett, E. A. (2022). Perceptual accuracy for sexual rejection in romantic relationships. Archives of Sexual Behavior, 51, 491-503. https://doi.org/10.1007/s10508-021-02126-1
- 7Couture, S., Fernet, M., Hébert, M., Guyon, R., Lévesque, S., et Paradis, A. (2022). ‘‘I just want to feel good without making you feel bad’’: Sexual assertiveness negotiation in adolescent romantic relationships. Archives of Sexual Behavior. 52(7), 3063-3079. https://doi.org/10.1007/s10508-023-02668-6
- 8Impett, E. A., et Peplau, L. A. (2003). Sexual compliance: Gender, motivational, and relationship perspectives. The Journal of Sex Research, 40(1), 87-100. https://doi.org/10.1080/00224490309552169
- 9 a b O’Sullivan, L. F., et Allgeier, E. R. (1998). Feigning sexual desire: Consenting to unwanted sexual activity in heterosexual dating relationships. The Journal of Sex Research, 35(3), 234-243. https://doi.org/10.1080/00224499809551938
- 10Vannier, S. A., et O’Sullivan, L. F. (2010). Sex without desire: Characteristics of occasions of sexual compliance in young adults’ committed relationships. The Journal of Sex Research, 47(5), 429-439. https://doi.org/10.1080/00224490903132051