Si tu avais à identifier une habitude de vie que tu pourrais modifier pour améliorer ta santé physique, à quoi penserais-tu? Déciderais-tu d’arrêter de fumer? De réduire ta consommation d’alcool? Délaisserais-tu ta voiture pour te rendre au travail à vélo?
Ces comportements sont en effet aidants pour atteindre ou maintenir une bonne santé. Cependant, des recherches ont identifié qu’au-delà du tabagisme, de la consommation d’alcool et de l’activité physique, entretenir des relations sociales satisfaisantes – c’est-à dire faire partie d’une communauté et recevoir du soutien matériel et émotionnel de nos proches – a un effet plus important sur notre santé physique à long terme. Selon les résultats d’une étude qui a suivi plus de 300 000 adultes sur plusieurs années1 , les personnes qui ont des relations sociales satisfaisantes auraient 50% plus de chances de rester en vie que celles qui ne se sentent pas intégrées dans une communauté, ou qui reçoivent et perçoivent moins de soutien de leurs proches. C’est donc dire qu’être bien entouré·e réduit significativement notre risque de mortalité.
Comment explique-t-on ces résultats?
Deux grandes théories ont été mises de l’avant pour expliquer les effets bénéfiques des relations sociales sur la santé physique. La première renvoie au principe de l’atténuation du stress par le soutien social2 . Selon cette hypothèse, le soutien d’un·e proche réduit l’impact des événements stressants dans nos vies. Prenons l’exemple du stress qu’on peut vivre au travail :
À l’approche d’une semaine que tu imagines éprouvante, savoir que ton⋅ta partenaire sera présent·e pour t’aider à traverser cette période peut faire paraître la montagne comme plus surmontable. Ta perception d’être soutenu·e par l’autre te permet d’interpréter l’évènement comme moins menaçant, et ainsi réduit ton niveau de stress. Ton réseau social peut aussi te donner accès à davantage de ressources concrètes pour faire face au stress. Pendant une semaine particulièrement occupée, des membres de ta famille peuvent par exemple t’aider avec certaines tâches du quotidien afin de réduire le fardeau des responsabilités que tu assumes au travail.
L’hypothèse d’atténuation du stress propose donc qu’en étant soutenu·e, le stress a un impact moins important sur notre fonctionnement, ce qui contribue à notre santé et à notre bien-être.
Une autre explication renvoie aux bénéfices de l’intégration sociale3 . Cette théorie élabore qu’en faisant partie d’une communauté, nous adoptons certains rôles (par exemple, donner des soins, enseigner) qui contribuent au maintien de notre identité (par exemple, être parent, être travailleur·se). Nous développons ainsi des buts à atteindre, un sentiment de sécurité et un sentiment de contrôle sur son environnement. De plus, lorsque nous sommes entouré·e·s d’un groupe, nous sommes encouragé⋅e·s à respecter les normes et les habitudes des autres, ce qui peut nous amener à adopter des comportements de santé. Par exemple, si nos ami·e·s ont l’habitude de consulter un·e médecin quand iels ont des soucis de santé, nous aurons davantage tendance à le faire aussi. S’il est valorisé de faire de l’activité physique dans son école, on sera probablement plus actif⋅ve. Cependant, à l’inverse, si nous sommes entouré⋅e·s d’un groupe qui valorise des comportements néfastes pour la santé, comme fumer la cigarette, nous serons aussi tenté⋅e·s de faire pareil. Ainsi, être davantage intégré·e socialement peut nous amener à agir d’une manière qui favorise ou non notre santé, mais cela dépend du groupe duquel nous sommes entouré⋅e·s.
Est-ce que toutes les relations sont bénéfiques pour la santé?
Dans un monde idéal, nos relations seraient toujours sources de soutien et d’apaisement, mais dans la réalité, nos liens avec nos proches peuvent nous causer du stress et nous faire rencontrer des obstacles importants. Des recherches récentes ont permis de mieux comprendre les effets néfastes des tensions et conflits relationnels sur la santé physique. Quelles conclusions pouvons-nous en tirer?
D’une part, il semble que les aspects négatifs de nos relations, comme les conflits et les interactions désagréables du quotidien (par exemple, les critiques reçues au travail, les frustrations associées aux tâches ménagères), seraient liés à un moins bon fonctionnement du cœur, du système immunitaire, de la régulation de l’énergie et des hormones4 . D’ailleurs, avoir des relations tendues serait pire pour la santé que d’avoir peu de relations sociales. En effet, vivre dans un environnement interpersonnel tendu serait une forme de stress chronique qui pourrait dérégler le fonctionnement de plusieurs des systèmes essentiels de notre corps, comme les systèmes cardiovasculaire, immunitaire et hormonal5 .
Lorsque nous vivons un stress interpersonnel, comme recevoir une insulte blessante, notre corps le perçoit comme une menace. Pour arriver à s’échapper ou combattre la menace, une activation physiologique s’enclenche (par exemple, notre cœur se met à battre plus vite). Éventuellement, lorsque la menace cesse, notre corps retrouve un état de calme. Lorsque ce genre de stress ne se produit que rarement, notre corps arrive à s’adapter et retrouver un état d’équilibre assez facilement. Cependant, quand ce stress se produit souvent et sur une longue période, notre corps peut avoir de la difficulté à retrouver son état d’équilibre original (par exemple, notre rythme cardiaque au repos peut être plus élevé même lorsque nous ne faisons pas face à un stress).
D’autre part, nos relations proches, comme celles avec nos partenaires intimes ou notre famille, seraient généralement plus fortement liées à notre santé que nos relations plus éloignées, telles que les relations entretenues avec nos collègues. Des difficultés interpersonnelles vécues dans une relation intime ou avec la famille auraient ainsi des effets néfastes plus importants sur la santé que des conflits rencontrés au travail.
Ce qu’il faut retenir
Dans les dernières décennies, plusieurs études semblent arriver au consensus que nos relations interpersonnelles, qu’elles soient synonymes de satisfaction ou d’insatisfaction, ont des effets non négligeables sur notre santé physique. Malgré la croyance populaire que l’exercice physique ou nos habitudes de consommation peuvent plus fortement impacter nos trajectoires de santé, il semble maintenant clair que la qualité de nos liens avec nos proches engendre autant, voire plus de conséquences sur notre fonctionnement biologique.
Sachant cela, voici quelques pistes d’actions pour favoriser la présence de relations sociales satisfaisantes dans nos vies :
- Nommer nos besoins de soutien et faire des demandes. Afin d’être satisfait·e par le soutien offert par nos proches, il est important d’arriver à identifier nos besoins et d’ensuite les nommer pour augmenter les chances qu’ils soient bien répondus. Par exemple, lorsqu’on se sent seul·e, il pourrait être aidant de s’arrêter pour le remarquer et appeler un·e ami·e pour en discuter et chercher du soutien.
- Identifier et communiquer nos limites. Afin de préserver l’harmonie et éviter les conflits, beaucoup de personnes vont placer les besoins des autres avant les leurs et faire fi de leurs limites personnelles. Pourtant, cela peut créer des insatisfactions dans les relations et engendrer du stress. Pour s’assurer que nos relations demeurent satisfaisantes, il est important d’apprendre à connaître nos limites et de les communiquer. Par exemple, au travail, il peut être utile d’être transparent·e avec ses collègues par rapport au délai dont on aura besoin pour compléter une tâche, même si on risque de décevoir.
- Diminuer nos sources de stress interpersonnel. Parfois, malgré nos efforts, certaines relations peuvent être des sources de stress auxquelles nous n’arrivons pas à s’adapter. Afin de se préserver, il peut être indiqué de réduire le temps qu’on passe avec ces personnes.
- Se trouver une communauté. Faire partie d’un groupe avec qui on partage des intérêts ou des valeurs est une bonne façon d’accroître son sentiment d’appartenance et son accès à du soutien. Si notre environnement de travail ou notre famille ne répondent pas à ce besoin, nous pouvons par exemple s’intégrer à un club de lecture, une équipe de sport ou une communauté de jeux vidéo.
En adoptant ces comportements, tu favoriseras sans doute ton bien-être psychologique, en plus d’investir dans ta santé physique à long terme.
La publication de article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article: Jacmin-Park, S., Bergeron, S., et Juster, R-P. (2022, 5 octobre). Les relations sociales satisfaisantes, gages de bonne santé physique? Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/les-relations-sociales-satisfaisan…;
- 1Holt-Lunstad, J., Smith, T. B., & Layton, J. B. (2010). Social relationships and mortality risk: a meta-analytic review. PLoS medicine, 7(7), e1000316.
- 2Cohen, S., & Wills, T. A. (1985). Stress, social support, and the buffering hypothesis. Psychological Bulletin, 98(2), 310.
- 3Thoits, P. A. (2011). Mechanisms linking social ties and support to physical and mental health. Journal of Health and Social Behavior, 52(2), 145-161.
- 4Seeman, T. E., Gruenewald, T. L., Cohen, S., Williams, D. R., & Matthews, K. A. (2014). Social relationships and their biological correlates: Coronary Artery Risk Development in Young Adults (CARDIA) study. Psychoneuroendocrinology, 43, 126-138.
- 5Rouxel, P., Chandola, T., Kumari, M., Seeman, T., & Benzeval, M. (2022). Biological costs and benefits of social relationships for men and women in adulthood: The role of partner, family and friends. Sociology of Health & Illness, 44(1), 5-24.