Qu’est-ce que la stigmatisation liée au poids ?
La stigmatisation liée au poids est un phénomène social qui regroupe toutes les pensées, les attitudes et les comportements négatifs exercés envers une personne sur la simple base de son poids3 ,4 ,5 . Ce stigma corporel peut se présenter sous différentes formes :
Stigma explicite | Il est caractérisé par les attitudes négatives ouvertement exprimées et les comportements défavorables et injustes envers des personnes en raison de leur poids. À titre d’exemples, on peut penser au fait d’émettre des critiques sur le poids d’une personne ou de rejeter/discriminer socialement quelqu’un sur la base de son poids. |
Stigma implicite | Il englobe toutes les croyances et les préjugés portés envers les personnes ayant un surpoids et les attitudes plus inconscientes. Penser que les individus présentant un surpoids sont paresseux et manquent de volonté ou bien ressentir du dégoût envers les personnes en raison de leur poids en sont des exemples. |
Stigma internalisé | Il se présente lorsque la personne stigmatisée se met inconsciemment à endosser elle-même ces préjugés négatifs exprimés à son égard en raison de son poids. Elle peut alors se trouver non attirante, avoir un discours négatif envers son corps et adopter des comportements alimentaires problématiques (p. ex., sauter des repas, se faire vomir, utiliser des laxatifs). |
Comment cela se présente au sein du couple ?
Les relations amoureuses sont l’une des sources les plus fréquentes et immédiates du stigma lié au poids dans le quotidien5 . Pourtant, très peu d’études ont été conduites auprès de couples. Celles réalisées décrivent qu’environ la moitié (entre 40 et 57 %) de la stigmatisation liée au poids à l’âge adulte provient de son⸱sa partenaire amoureux⸱se6 . Cela s’illustre majoritairement par des taquineries et des critiques liées au poids envers son⸱sa partenaire. En effet, dans une récente étude, 65 % des individus ont rapporté avoir eu des conversations liées au poids avec leur partenaire7 . Celles-ci impliquaient soit des commentaires directs sur le poids et sur le physique (p. ex., « tu as pris du ventre »), soit des blagues et des moqueries (p. ex., « la grosse a mangé les derniers biscuits »), soit des échanges au sujet des insécurités liées au poids et à la santé (p. ex., « il faut que tu surveilles ton alimentation et fasses plus d’exercice physique »).
Quelles sont les conséquences du stigma corporel dans sa relation ?
Ces discussions stigmatisantes engendrent sur le long terme des conséquences néfastes pour le fonctionnement relationnel du couple8 ,9 :
- Faible satisfaction sexuelle ;
- Faible qualité de la relation ;
- Faible stabilité de la relation ;
- Communication non constructive lors de conflits conjugaux.
Une récente étude a été réalisée auprès de 209 couples hétérosexuels mariés visant à comprendre les conséquences des commentaires stigmatisants au cœur des relations intimes10 . Selon cette étude, les maris qui effectuent des commentaires et des critiques en lien avec le poids de leur conjointe (stigma explicite) infèrent indirectement une valeur moindre à leur partenaire (stigma implicite). Cela est ensuite associé à une faible estime de soi de leur conjointe (stigma internalisé), puis, lié en retour à une faible satisfaction sexuelle et conjugale au sein du couple et même une augmentation de symptômes dépressifs pour les deux partenaires amoureux.
Pour les femmes mariées, l’impression de recevoir des critiques ou des suggestions à perdre du poids de la part de leur conjoint est associé à une impression d’être moins désirable auprès de celui-ci, ce qui est lié en retour à une faible satisfaction sexuelle et conjugale11 . Plus précisément, l’internalisation des biais liés au poids (stigma internalisé) serait le facteur le plus fortement associé aux symptômes dépressifs et à la faible estime de soi observés chez les femmes stigmatisées en raison de leur poids. Les effets nocifs du stigma corporel se font ainsi ressentir lorsque les femmes se mettent à croire elles-mêmes qu’elles ont moins de valeur comme partenaire amoureuse en raison de leur poids.
Cependant, les quelques études portant sur la stigmatisation liée au poids dans les relations amoureuses ont été effectuées quasi exclusivement sur des échantillons de couples hétérosexuels8 . Or, les personnes de la communauté LGBTQ+ sont plus à risque de vivre de la discrimination basée sur le poids, de la stigmatisation internalisée et des comportements alimentaires problématiques12 . Selon la théorie de l’intersectionnalité, une piste d’explication du risque accru auprès de cette population est la présence d’une double stigmatisation en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre ainsi que de leur poids. Cette double stigmatisation contribuerait à exacerber le stress chronique et les émotions négatives. D’autres recherches sont donc nécessaires pour examiner l’impact de ce phénomène social auprès des couples issus de la diversité sexuelle et de genre.
Ce qu’il faut retenir :
Depuis les dernières années, des études sur la stigmatisation liée au poids commencent à émerger. Non seulement ce phénomène a des effets négatifs individuels prouvés dans différentes sphères (p. ex., augmentation du stress, de la détresse psychologique, des comportements alimentaires malsains, de l’évitement des rendez-vous médicaux, etc.)13 , mais il aurait également des impacts importants sur la satisfaction corporelle, sexuelle et conjugale.
Bien que parfois les intentions ne se veulent pas négatives, les commentaires liés au poids peuvent tout de même être reçus négativement. Par exemple, féliciter une personne pour sa perte de poids pourrait être perçu comme une confirmation qu’elle avait du poids à perdre, renforçant ainsi les enjeux liés à son estime de soi, à son poids et à son alimentation. Les mots employés au quotidien, aussi banaux soient-ils, ont un impact réel sur le bien-être des individus. Afin de s’assurer d’être heureux⸱se au sein de son couple, il serait peut-être plus bénéfique de laisser tomber les commentaires liés au poids de son⸱sa partenaire, même lorsque c’est pour rigoler !
La publication de cet article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article: Légaré-Baribeau, M.-P., Legendre, M. et Bégin, C. (2024, 23 septembre). Les commentaires sur le poids dans son couple, une nuisance à son bonheur ? Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/les-commentaires-sur-le-poids-dans…
- 3Puhl, R. M., Schwartz, M. B., et Brownell, K. D. (2005). Impact of perceived consensus on stereotypes about obese people: a new approach for reducing bias. Health Psychology, 24(5), 517–525. https://doi.org/10.1037/0278-6133. 24.5.517
- 4Brownell, K. D., Puhl, R. M., Schwartz, M. B., et Rudd, L. (dir.) (2005). Weight bias: Nature, consequences, and remedies. New York: Guilford Press.
- 5 a b Puhl, R. M., et Heuer, C. A. (2009), The stigma of obesity: A review and update. Obesity, 17(5), 941–964. https://doi. org/10.1038/oby.2008.636
- 6Lawrence, S. E., Puhl, R. M., Watson, R. J., Schwartz, M. B., Lessard, L. M., et Foster, G. D. (2023). Family-based weight stigma and psychosocial health: A multinational comparison. Obesity (Silver Spring, Md.), 31(6), 1666–1677. https://doi.org/10.1002/oby.23748
- 7Berge, J. M., Pratt, K., et Miller, L. (2016). Weight conversations in romantic relationships: What do they sound like and how do partners respond? Families, systems & health : The journal of collaborative family healthcare, 34(3), 213–220. https://doi.org/10.1037/fsh0000223
- 8 a b Schmidt, A. M., Jubran, M., Salivar, E. G., et Brochu, P. M. (2023). Couples losing kinship: A systematic review of weight stigma in romantic relationships. Journal of Social Issues, 79(1), 196–231. https://doi.org/10.1111/josi.12542
- 9Côté, M., et Bégin, C. (2020). Review of the experience of weight-based stigmatization in romantic relationships. Current obesity reports, 9(3), 280–287. https://doi.org/10.1007/s13679-020-00383-0
- 10Carels, R. A., Miller, J. C., Hlavka, R., Selensky, J., Shonrock, A. M. T., et Ellis, J. M. (2020). Associations between husbands' weight bias and related concerns and husbands' and wives' psychological and relationship outcomes. Body image, 35, 11–21. https://doi.org/10.1016/j.bodyim.2020.07.008
- 11Carels, R. A., Hlavka, R., Selensky, J. C., Solar, C., Rossi, J., Miller, J. C., et Ellis, J. (2020). The associations between wives’ internalized weight bias and other weight-related concerns, perceived husbands’ weight-related comments, perceived mate value, and psychological and relationship outcomes. Stigma and Health, 5(3), 258-268. https://doi.org/10.1037/sah0000192
- 12Shonrock, A. T., Miller, J. C., Byrd, R., Sall, K. E., Jansen, E., Carraway, M., Campbell, L., et Carels, R. A. (2022) Experienced weight stigma, internalized weight bias and maladaptive eating patterns among heterosexual and sexual minority individuals. Eating and weight disorders: EWD, 27(8), 3487–3497. https://doi.org/10.1007/s40519-022-01486-4
- 13Hunger, J. M., Major, B., Blodorn, A., et Miller, C. T. (2015). Weighed down by stigma: How weight-based social identity threat contributes to weight gain and poor health. Social and personality psychology compass, 9(6), 255–268. https://doi.org/10.1111/spc3.12172