Evan et Alex, en couple depuis un an, viennent d’emménager ensemble. Un soir où Evan est sorti avec ses amis, Alex lui envoie plusieurs messages textes qui restent sans réponse. Alex est incapable de s’endormir. Ses pensées se bousculent : « Je suis sûr qu’il s’amuse mieux sans moi. J’ai peur qu’il ne m’aime plus et qu’il me quitte ». Plus tard, Evan s’aperçoit qu’il a plusieurs messages manqués d’Alex. Irrité, il décide de ne pas y répondre. Lorsqu’Evan rentre à la maison, Alex est fâché et lui demande : « Pourquoi tu ne m’as pas répondu ? Evan soupire : - Tu sais que j’étais occupé. Je suis arrivé, on va se coucher maintenant ? Alex renchérit : - Comment veux-tu que j’aille me coucher dans cet état ? Tu ne vois jamais le problème et j’ai toujours l’impression de t’en demander trop. Evan se referme émotionnellement. Souhaitant éviter le conflit, il dit : - Ce n’est pas si grave et je suis fatigué, ce n’est pas le moment. » De toute façon, c’est difficile pour Evan de gérer et d’exprimer ses émotions. Alex lui reproche de toujours remettre la discussion à plus tard et de ne jamais le comprendre. Ils s’endorment donc fâchés.
Qu’est-ce que l’attachement romantique ?
Tel qu’introduit dans l’article de blogue Attachement romantique 101, l’attachement est un besoin fondamental qui se développe en interaction avec les figures parentales. Elles sont les principales figures d’attachement durant l’enfance. Selon leur présence et leurs réponses aux besoins de l’enfant, celui-ci intègre des images de soi et des autres qui guideront ensuite ses relations avec ses proches (par exemple : les ami·e·s, les partenaires* amoureux·ses)1 ,2 ,3 ,4 ,5 . À l’âge adulte, les partenaires amoureux·ses deviennet les figures d’attachement, ce qui fait référence à l’attachement romantique6 .
Quelles sont les dimensions de l’attachement romantique ?
L’attachement romantique regroupe deux dimensions7 . D’abord, l’attachement anxieux fait référence à une vision de soi qui est négative, une peur d’être abandonné·e ou rejeté·e et un besoin d’être rassuré·e par ses partenaires. Si cela t’est familier, il est possible que tu entretiennes des pensées telles que : « Personne ne m'aime », « Si cette personne me connaissait vraiment, elle me quitterait »8 . Dans tes interactions avec tes partenaires, cela peut se présenter par le fait d’être à l’affût de leur intérêt envers toi et leur engagement dans votre relation intime8 .
Ensuite, l’attachement évitant est caractérisé par une vision négative des autres, un grand besoin d’indépendance, ainsi qu’un inconfort à se montrer vulnérable et à être intime avec ses partenaires aux niveaux émotionnel, physique et sexuel. Si cela te fait penser à ton vécu, il se peut que tu ressentes le besoin de te protéger des autres en te disant : « Je ne peux compter sur personne », « Je suis mieux seul·e »7 . Dans tes interactions avec tes partenaires, lorsque tu te sens vulnérable, tu peux avoir tendance à ressentir un grand besoin de t’éloigner et de mettre de côté tes émotions8 .
Il faut voir ces deux dimensions comme deux axes relativement stables dans le temps, qui peuvent fluctuer en fonction de tes expériences8 . Tu n’es pas obligé·e d’être à chaque extrême pour que ceux-ci reflètent ton vécu. Par exemple, tu pourrais te sentir confiant·e de manière générale dans tes relations intimes, mais par moments te sentir davantage vulnérable et seul·e sans toutefois craindre constamment que l’autre te quitte. Tu pourrais également avoir une légère méfiance envers les autres sans nécessairement te dire que tu ne peux pas compter sur eux·elles.
Quels sont les styles d’attachement romantique possibles ?
C’est possible que tu te reconnaisses dans une seule des dimensions de l’attachement romantique, les deux, ou aucune : sache que toutes ces options sont possibles et valables ! Selon où tu te situes sur les deux axes, quatre possibilités émergent9 :
(1) Aucune des dimensions ne te correspond ; il s’agit du style d’attachement sécurisant.
(2) Seule la dimension de l’attachement anxieux résonne pour toi ; il s’agit du style d’attachement préoccupé.
(3) Seule la dimension de l’attachement évitant te parle ; il s’agit du style d’attachement détaché.
(4) Les deux dimensions te sont familières ; il s’agit du style d’attachement craintif.
Voici visuellement, les proportions dans la population générale9 :
Concrètement, comment est-ce que ces informations peuvent être utiles dans tes relations intimes ?
Identifier ton style d’attachement, reconnaître ce qui vient activer des émotions et te mettre dans une position vulnérable dans tes relations, te permet de mieux te comprendre et de mieux comprendre tes partenaires et vos manières d’interagir. Toustes gagnent à en apprendre davantage sur l’attachement romantique considérant que c’est lié à la satisfaction que tu éprouves dans tes relations et que ça influence ta satisfaction sexuelle.
Si on revient à l’histoire d’Alex et Evan, on peut penser qu’Alex a un style préoccupé tandis qu’Evan a un style détaché. Leurs besoins et réactions sont différents, pouvant donner lieu à plus de disputes, où chacun se sent incompris. Cette dynamique ne signifie pas qu’ils sont incompatibles, mais plutôt que leurs perspectives sont différentes : l’un voit un 6 tandis que l’autre voit un 9. Il ne s’agit pas de savoir qui a raison, mais plutôt de mieux comprendre les différents points de vue de chacun·e et de mieux les communiquer à ses partenaires.
Voici quelques pistes de réflexion pour t’aider :
- Identifie ton style d’attachement. Voici un questionnaire en ligne gratuit, qui te donne directement ton résultat. Tu peux aussi inviter tes partenaires à le compléter et, pourquoi pas, à en parler ensemble ensuite.
- Reconnais ce qui te fait réagir, tes déclencheurs à toi. Essaie de mieux comprendre tes réactions, émotions (par exemple : colère, déception, tristesse) et pensées lors de tes interactions avec tes partenaires. Dans l’histoire présentée plus haut, Alex s’est senti déçu de ne pas être considéré par Evan, à cause de son absence de réponse. Cette déception s’est manifestée par de la colère lorsqu’Evan est rentré. En retour, Evan s’est senti irrité par la réaction d’Alex, qu’il n’a pas comprise et interprétée comme étant démesurée. Cela fait référence à leur différence de perception.
- Discute ouvertement avec tes partenaires. Si tes partenaires et toi abordez votre style d’attachement et les situations qui vous activent le plus émotionnellement, ça peut favoriser la cohésion de vos relations intimes. En vous montrant vulnérables, empathiques ainsi que curieux·ses l’un·e envers l’autre, vous allez pouvoir mieux vous comprendre lors de moments plus difficiles. Il est recommandé d’avoir ces discussions dans un contexte où vous vous sentez calmes et réceptif·ve·s, et non lors d’un conflit.
Nous espérons que cet article t'a donné quelques pistes qui éclairent ton fonctionnement et celui de tes partenaires.
*La formulation au pluriel pour le terme partenaire a pour but d’alléger la lecture de cet article et de faire preuve d’inclusion des diverses configurations relationnelles et sexuelles.
La publication de article a été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article: Bolduc, R., et Baumann, M. (2022, 11 avril). Je vois un 6 alors que mon·ma partenaire voit un 9, qui a raison ? Blogue TRACE. https://natachagodbout.com/fr/blogue/je-vois-un-6-alors-que-monma-parte…
- 1Ainsworth, M. D. S., Blehar, M. C., Waters, E. et Wall, S. (1978). Patterns of Attachment: A Psychological Study of the Strange Situation. Erlbaum.
- 2Bowlby, J. (1969). Attachment and Loss: Vol. 1. Attachment. Basic Books.
- 3Bowlby, J. (1973). Attachment and Loss: Vol. 2. Separation. Basic Books.
- 4Bowlby, J. (1980). Attachment and Loss: Vol. 3. Loss. Basic Books.
- 5Bowlby, J. (1988). A Secure Base. Basic Books.
- 6Hazan, C. et Shaver, P. (1987). Romantic Love Conceptualized as an Attachment Process. Journal of Personality and Social Psychology, 52(3), 511-524.
- 7 a b Brennan, K. A., Clark, C. L. et Shaver, P. R. (1998). Self-Report Measurement of Adult Attachment: An Integrative Overview. Dans J. A. Simpson et W. S. Rholes (dir.), Attachment Theory and Close Relationships (p. 46-76). Guilford Press.
- 8 a b c d Brennan, K. A., Clark, C. L. et Shaver, P. R. (1998). Self-Report Measurement of Adult Attachment: An Integrative Overview. Dans J. A. Simpson et W. S. Rholes (dir.), Attachment Theory and Close Relationships (p. 46-76). Guilford Press.
- 9 a b Brassard, A. et Lussier, Y. (2009). L’attachement dans les relations de couple : fonctions et enjeux cliniques. Psychologie Québec, 26(3), 24-26. https://www.researchgate.net/publication/281390451_L'attachement_dans_l…