Il semble qu’un facteur commun à ces études soit le potentiel des relations interpersonnelles à favoriser la guérison. Par exemple, le fait de recevoir des réactions positives à la suite d’un dévoilement (être cru·e, écouté·e, soutenu·e) a été associé à des niveaux de détresse psychologique et de satisfaction sexuelle similaires à ceux de personnes n’ayant pas vécu d’agression sexuelle1 . De plus, être dans une relation de couple satisfaisante pourrait protéger des difficultés sexuelles parfois vécues par des survivant·e·s d’agression sexuelle en enfance2 .
Selon une autre étude pas encore publiée à ce jour, les personnes ayant subi une agression sexuelle en enfance et ayant grandi au sein d’un milieu familial empreint de peu d’abus et de négligence vivent un bien-être sexuel et relationnel à l’âge adulte similaire à celui de personnes n’ayant pas vécu ces traumatismes. Plus précisément, alors que la violence psychologique consiste, par exemple, à ce qu’un enfant se fasse rabaisser et insulter par une figure parentale, la négligence psychologique consiste quant à elle en une absence de gestes qui devraient être posés par les figures parentales pour répondre aux besoins affectifs de l’enfant3 .
Une nouvelle étude que notre équipe est en train de réaliser s’ajoute à ces conclusions porteuses d’espoir pour les survivant·e·s. Les participant·e·s de notre étude ont vécu au moins une agression sexuelle en enfance. Une majorité des participant·e·s de notre étude exprime vivre certaines difficultés sexuelles (sexualité émotionnellement désinvestie, compulsive, rare ou absente) et relationnelles (instabilité, violence) à l’âge adulte.
Cependant, deux éléments semblent ressortir chez les participant·e·s qui vivent des relations intimes et sexuelles plus épanouissantes. L’un de ces éléments est le fait d’être en relation intime avec un·e partenaire sécurisant·e, respectueux.se de leurs besoins et limites. L’autre élément est la capacité à développer une disposition de présence attentive (aussi appelée pleine conscience, mindfulness) suite à ces importants traumatismes. La présence attentive consiste en l’état de conscience qui émerge lorsqu’on porte attention à nos expériences dans le moment présent, avec acceptation et sans jugement4 . Celle-ci est souvent affectée par le vécu d’agression sexuelle en enfance ou, plus généralement, de traumas interpersonnels. Par contre, elle pourrait favoriser la guérison des expériences difficiles chez les survivant·e·s5 .
En effet, une stratégie d’adaptation face aux expériences difficiles chez l’être humain consiste à éviter le contact avec le moment présent. Quoiqu’utile à court terme pour retrouver l’équilibre psychologique, cette stratégie est dommageable à long terme pour les survivant·e·s, car elle les empêche de guérir de leurs traumatismes. Le fait d’améliorer la présence attentive chez les survivant·e·s de traumas vécus dans l’enfance, tel que l’agression sexuelle, pourrait favoriser un mieux-être sexuel et relationnel chez ces personnes6 .
Dans les résultats de notre étude, il semble que la présence attentive et la relation intime sécurisante se nourrissent l’une et l’autre pour aider les survivant·e·s d’agression sexuelle et de maltraitance psychologique en enfance à guérir de leurs traumatismes. En effet, le fait de rencontrer un·e partenaire intime sécurisant·e pourrait favoriser la disposition à la présence attentive. De plus, travailler sur sa disposition à la présence attentive, par exemple à travers la pratique de la méditation, pourrait aider les survivant·e·s à s’engager dans des relations intimes plus sécurisantes par la suite. Cela semble permettre un cercle vertueux vers la guérison, puisque l’une et l’autre semblent se nourrir pour offrir un processus de rétablissement aux survivant·e·s.
En effet, il est possible qu’elles encouragent toutes deux à écouter davantage ses besoins et ses limites, ce qui est fort important au sein de la sexualité et de l’intimité. En somme, malgré que le vécu d’agression sexuelle en enfance soit la plupart du temps traumatisant, les études récentes de notre équipe renforcent l’importance de l’entourage des survivant·e·s, et de leur disposition à la présence attentive. Elles diffusent un message qui met de l’avant la capacité des survivant·e·s à vivre une vie sexuelle et relationnelle épanouissante, même à la suite des événements traumatiques vécus durant l’enfance.
*Nous aimerions remercier l’organisation de Com-Sci-Con Québec 2021 ainsi que le comité de lecture du composi-thon (activité se déroulant dans le cadre du congrès permettant d’obtenir des rétroactions par rapport à une pièce de vulgarisation scientifique) pour leurs rétroactions par rapport à cet article de blogue.
La publication de article a aussi été rendue possible grâce à notre partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS) et grâce aux Fonds de recherche du Québec.
Pour citer cet article : Dussault, É., et Godbout, N. (2021, 7 décembre). Guérir de l’agression sexuelle en enfance : Une dose d’espoir pour les survivant·e·s. Blogue TRACE. https://www.natachagodbout.com/fr/blogue/guerir-de-lagression-sexuelle-…;
- 1Therriault, C., Bigras, N., Hébert, M., et Godbout, N. (2020). All involved in the recovery: Disclosure and social reactions following sexual victimization. Journal of Aggression, Maltreatment & Trauma, 29(6), 661-679. doi: 10.1080/10926771.2020.1725210
- 2Baumann, M., Bigras, N., Paradis, A., et Godbout, N. (2020). It’s good to have you: The moderator role of relationship satisfaction in the link between child sexual abuse and sexual difficulties. Journal of Sex and Marital Therapy. Advanced online publication. https://doi.org/10.1080/0092623X.2020.1797965
- 3Bigras, N., Godbout, N., Hébert, M., et Sabourin, S. (2017). Cumulative adverse childhood experiences and sexual satisfaction in sex therapy patients: what role for symptom complexity?. The journal of sexual medicine, 14(3), 444-454. DOI: 10.1016/j.jsxm.2017.01.013
- 4Kabat‐Zinn, J. (2003). Mindfulness‐based interventions in context: past, present, and future. Clinical psychology: Science and practice, 10(2), 144-156.
- 5Godbout, N., Bakhos, G., Dussault, É., et Hébert, M. (2020). Childhood Interpersonal Trauma and Sexual Satisfaction: The Role of Mindfulness and Psychological Distress. Journal of Sex and Marital Therapy, 46(1), 43-56. DOI: https://doi.org/10.1080/0092623X.2019.1626309
- 6Gobout, N., Morissette Harvey, F., Cyr, G., et Bélanger, C. (2020b). Cumulative Childhood Trauma and Couple Satisfaction: Examining the Mediating Role of Mindfulness. Mindfulness, 11(7), 1723–1733. DOI: 10.1007/s12671-020-01390-x